Bulletin n°4 de « l’Association des Amis du Manifeste » – février 2012
« Connaître le marxisme »
Productivité et surproduction de capital (1)
INTRODUCTION :
Nombre d’économistes ne voient le capital que comme un ensemble de choses : de l’argent, des machines, des bâtiments, etc. Il y aurait donc selon eux ces choses
d’un côté et de l’autre le travail des hommes.
C’est que dans la réalité il en est autrement. Le capital est un rapport social particulier entre les moyens de travail possédés par certains hommes et les
autres qui en sont dépossédés. Les individus, libres des contraintes communautaires des siècles passées (féodales, religieuses, corporatives) se retrouvent isolés dans leur état d’individus
privés, contraints de négocier au meilleur prix leur savoir-faire dans une concurrence féroce.
Le capital n’existe que dans un rapport de possession du travail vivant (le patron possède tout le travail de l’ouvrier, ce dernier ne fournissant que sa force
de travail qu’il négocie au meilleur prix). Dans ce système, où règne la propriété privée, les individus sont séparés dans une division du travail sociale, entre décideurs et exécutants. Chacun
produit indépendamment les uns des autres, aveuglément.
Ce n’est que par l’échange (au moment de la vente) que les travailleurs savent si leur travail est validé. S’il y a mévente, c’est que leur travail n’est pas
socialisé. La production s’arrête et c’est le chômage et la précarité qui s’accroissent.
Mais dans le capitalisme où les individus ne coopèrent pas directement, ne sont pas associés de manière consciente et voulue dans la production, ils ne peuvent
échanger le produit de leur travail que par l’intermédiaire de l’argent qui est l’étalon universel. Ils dépendent forcément de l’Etat qui fonde la monnaie en usage, qui associe en Nation les
individus (la concurrence entre les individus se traduisant en concurrence entre nations, d’où les guerres). Voilà que la puissance de l’individu, du producteur, n’existe que par le moyen de
l’Etat qui le soumet à ses lois. La Liberté n’est alors que le choix d’une servitude volontaire, comme le disait déjà La Boétie.
La liberté-égalité est pure idéologie. C’est celle du « renard libre dans le poulailler libre ».
Dans le monde capitaliste des individus privés, la bourgeoisie cultive l’individualisme, l’égoïsme, où ce qui compte c’est l’avoir et non pas l’être
!
Avec le développement de l’outil de production de plus en plus complexe (ayant absorbé tout le travail des générations passées) l’ouvrier est soumis
réellement à la machine, ne maîtrise en rien les conditions de sa vie. Démuni face à un Etat qui organise les conditions de sa soumission, il se contente bien souvent de négocier les conditions
de son exploitation (son salaire).
Celles-ci sont déterminées par le capital tant que ce dernier conserve la propriété et la maîtrise de la production (propriété financière et division du travail
entre les puissances intellectuelles de la production et les exécutants).
On sait, parce que l’expérience historique l’a amplement prouvé, que tant que la lutte du prolétariat reste sur le terrain de la réforme, de la lutte pour un
meilleur salaire, des conditions d’exploitations moins draconiennes, elle contribue aussi au développement du capitalisme lui-même en agissant comme un facteur qui pousse à la mécanisation du
travail, donc à la productivité et à la concentration du capital.
En réduisant le travail à des gestes simples (taylorisme et fordisme), en le décomposant en de multiples postes mécanisés, le capitaliste dépouille l’ouvrier de
tout ce qui pouvait lui rester de qualification et de la maîtrise de son travail. D’une façon générale, plus la machinerie est développée et plus c’est elle qui domine l’ouvrier devenant »le
serviteur de la machine ».
Mais quelles en sont les conséquences pour le capital lui-même ? A-t-il pour autant la « maîtrise » de l’outil de production bien, qu’en ayant toute la propriété
? Quelles sont les tendances négatives pour le capital qu’il développe de manière croissante ? En quoi peut-on dire que le fossoyeur du capital est le capital lui-même, et en quoi la
lutte de classes peut-elle être déterminante pour mettre un terme à ce système aveugle, anarchique et sanguinaire ?
Le capital n’existe que comme valeur se valorisant.
Il est confronté en permanence à la nécessité et au problème de transformer la plus-value obtenue à chaque rotation (les différentes phases de la production capitaliste) en capital additionnel (en moyens de production).
La production augmente plus vite que la consommation car chaque capital n’a pas d’autre choix que de s’accumuler plus que d’autres ou de disparaître.
Le profit dégagé n’est pas égal à la plus-value réalisée à la fin du procès de production mais se forme à partir du transfert de la plus-value d’une entreprise
à une autre (d’une branche de production à une autre).
Le capitalisme développe à l’infini les forces productives car son but est le profit et ne se préoccupe pas de la
consommation. Il lui faut établir un taux de profit moyen entre chaque capital en redistribuant de la plus-value en faveur des branches à composition organique élevée (dont le coût en capital
constant – moyens de production- est élevé), au détriment de celles à composition organique faible (moins modernisées, contenant plus de capital variable –masse de salaires
élevée).
Ses produits sont vendus à la valeur sociale moyenne (au prix « normal », moyen, de la branche) bien que la valeur individuelle (le coût de production) soit
moindre.
Le « profit extra » est obtenu sur chaque unité vendue. Il provient de ce que les capitaux les moins productifs vendent leurs produits au-dessus de leur valeur
particulière. Cela permet aux plus productifs de capter une part plus grande de plus-value en vendant les leurs au-dessus.
Le capitaliste croit que ses profits dépendent de sa bonne gestion alors qu’il ne fait que s’accaparer une part plus ou moins importante de profit social (en
augmentant le taux d’exploitation des travailleurs). Il doit être « compétitif » pour arracher cette part, dans la concurrence avec les autres capitalistes.
La productivité conduit donc à augmenter le profit social mais en compressant la masse salariale (chômage et précarité) ce qui ruine finalement la production de ce
profit après l’avoir favorisé. Les sciences, enrôlées par le capital industriel (le bon capital selon la gauche), développe une machinerie de plus en plus coûteuse et contribuent à la
destruction de l’emploi, aux friches industrielles et à un amoncèlement de matériel devenu obsolète (on le voit en France notamment avec le 4 millions de chômeurs officiels, les
délocalisations conséquences de la recherche de main d’œuvre au plus bas coût).
Ce n’est pas seulement le capital financier qui serait cause de ces destructions, comme le clament économistes et politiciens réunis dans le même sermon. Ce ne sont
pas les multiples krachs financiers qui en seraient la cause. Ils sont plutôt les symptômes de la maladie, les conséquences visibles de la dévalorisation globale du capital.
Car ce qui contribue également à le dévaloriser c’est le capital lui-même, sous sa forme commercial. Le secteur non productif ponctionne une part de plus en plus
grande de plus-value produite par le secteur industriel. Les grandes surfaces par exemple se comportent comme n’importe quelle entreprise mais ne produisent rien mais par contre consomme une
grande part des richesses produites (elles entraînent à la baisse les prix des matières produites par les entreprises). Les capitalistes savent bien ce que leur coûtent les
moments de fermeture au vue des investissements de plus en plus lourds que représentent ces structures commerciales.
Globalement, les gains de productivité ont permis une extraordinaire croissance de l’accumulation capitaliste et de la production de richesses, ces deux derniers
siècles.
Être plus productif, produire au plus bas prix, dominer commercialement un marché est vital pour la survie du capital.
Donc, il doit investir, développer les forces productives à l’infini. Le capitaliste ne se soucie pas de contribuer à la surproduction,
il se soucie seulement d’être celui qui survivra aux autres.
Il en résulte que la production dépasse largement la consommation car la plus-value qui va accroître les investissements productifs ne va pas favoriser la
consommation.
Ce ne sont pas les classes improductives (fonctionnaires, bureaucrates, idéologues, journalistes etc…) dont le nombre augmente sans cesse, qui peuvent inverser la
tendance à la sous-consommation. Dans la mesure où elles sont improductives, elles représentent des « faux-frais » pour le capital. Elles favorisent la diminution de l’accumulation car
elles consomment de la plus-value sans en rendre.
Les capitalistes ne consomment pas toute la plus-value qu’ils s’approprient. Pour eux, « il s’agit de mettre en valeur le capital, non de le consommer »
(K. Marx – Le Capital, ES III1 p. 270).
Le capital est englué dans la contradiction que représente une production illimitée par rapport à une consommation limitée. Les
capitalistes ne peuvent supporter la guerre des prix qu’accroît la surproduction.
Marx, dans le « Capital » III, analyse bien le comportement des capitalistes face à la crise de leur système :
« Tant que tout va bien, la concurrence […] joue le rôle d’une amicale de la classe capitaliste : celle-ci se répartit le butin commun proportionnellement
à la mise de chacun. Mais dès qu’il ne s’agit plus de partager les bénéfices mais les pertes, chacun cherche autant que possible, à réduire sa quote-part et à la mettre sur le dos du voisin…c’est
alors affaire de force et de ruse, et la concurrence se mue en combat de frères ennemis. »
Chaque crise est le moment d’une modification significative des modalités de la production (chaque capitaliste « économise » de la main d’œuvre, du temps de travail
et accélère le cycle de rotation pour accumuler plus rapidement du capital qui de toute façon ne retournera pas dans son intégralité dans le cycle de production.
La bourgeoisie renforce sa domination
La concurrence, qui élimine les capitaux à faible productivité, augmente la productivité moyenne générale.
Les conditions de travail sont réorganisées pour en accentuer l’intensité et la flexibilité (les capitalistes augmentent la quantité de travail effective). Il leur
faut s’accaparer toujours plus de travail au moindre coût pour récupérer les parts de marché des éliminés et vendre plus facilement.
Mais il est intéressant, à ce stade de notre analyse, de relever une des contradictions majeures, fatale pour ce système, qui fonde toutes les
richesses produites sur le temps de travail (seul moyen pour les capitalistes de la quantifier). Car plus les capitalistes s’octroient de plus-value en surexploitant les
travailleurs, plus ils « économisent » du temps nécessaire, plus celui-ci diminue pour représenter le minimum « jugé rentable » (en chassant les temps morts, accroissant le nombre de
chômeurs, les heures perdues la nuit ou les jours fériés ou bien encore les jours de grève). C’est donc bien la fin d’un système qui ne conçoit la production de richesses qu’en fonction du
temps passé à produire. Mais seul le prolétariat est destiné à y mettre un terme par une révolution politique puis sociale qui mettra en place un système basé sur un échange
direct entre les producteurs en fonction des qualités de chacun dans une association des individus qui produisent pour satisfaire des besoins qu’ils jugeront vitaux (et non
aveuglement pour le profit).
Les hausses du taux d’exploitation contrecarrent la hausse de la composition organique (le coût de l’automatisation et de la machinerie en général de plus en plus
lourd à supporter par les capitalistes).
Les gains de productivité permettent d’abaisser les prix des biens de consommation mais si cette baisse est supérieure à la
diminution de la masse salariale (rabaissée par la crise) le pouvoir d’achat des salaires peut augmenter et donc elle peut relancer la consommation. C’est ainsi que la bourgeoisie présente le
cours normal du capitalisme.
Mais chaque crise a pour effet de transformer et d’élargir la « mondialisation » de la production et des échanges.
Le capital s’accapare davantage de matières premières (en abaissant le coût), accroît la division mondiale du travail (en salariant des masses prolétariennes
nouvelles dans les pays encore « attardés »). La mondialisation actuelle freine la baisse du taux de profit en relançant l’accumulation sur des bases élargies.
Tous ces facteurs favorisent la production des moyens de production (les machines) car la productivité tire sa substance d’une hausse du machinisme. La part de la
production qui retourne au capital peut et doit croître plus que celle qui revient au travail car « c’est dans la création de capital comme fin en soi, qu’il apparaît agissant effectivement
comme capital » (K. Marx- « Les Grundrisses », ESII p. 197,198).
Les efforts aveugles du capital pour se valoriser
Avec le développement de la mécanisation, toute hausse de productivité coûte de plus en plus cher car elle contient un fort contenu scientifique et représente
un capital fixe important.
La quantité de travail productif ne représente plus que 20% de la valeur des marchandises produites. Il devient de moins en moins rentable d’investir dans la
recherche et l’acquisition de machines performantes. Ce qui explique qu’une large part des profits sont consacrés à la spéculation jugée plus rentable (par exemple aux rachats d’entreprises, aux
OPA etc…).
En intensifiant le travail et en le précarisant, le capital réduit le temps de travail au temps strictement nécessaire à la production de plus-value (l’ouvrier donne
une part de plus en plus grande de travail « gratuit » au patron contre une part de plus en plus minime de salaire).
Cet accroissement brutal de l’exploitation accentue la lutte de classes et affaiblit le capital. Les délocalisations (nouvelle forme de la mondialisation) et la
destruction des acquis sociaux dans les pays du Centre (résultat de compromis syndicaux contre une aggravation des conditions de travail) entraînent également une dégradation de la situation des
producteurs dans les pays pauvres et constituent de puissants facteurs d’accentuation de la lutte de classe. Des conditions objectives tendent à la destruction du pouvoir bourgeois (avec
l’étiolement de la masse de profits), de sa fonction de classe dominante (elle en est rendue à devoir nourrir les prolétaires alors que ceux-ci ont pour fonction première de la nourrir, et de les
laisser « déchoir »).
Les mesures que prend la bourgeoisie pour tendre d’y échapper ne peuvent que déclencher une apocalypse de crises violentes, de guerres et d’épuisement de la nature.
Objectivement, le travail contraint, abrutissant, tend à disparaître. Cette situation signe l’arrêt de mort du capital puisque la plus-value
disparaît.
Le capital moderne produit sa propre dévalorisation
En premier lieu dans la course entre la tendance à l’augmentation du taux d’exploitation (Pl/Cv) (2) qui augmente le taux de profit et celle de la
composition organique (Cc/Cv) (2) qui le diminue. L’augmentation de la composition organique est inhérente à la productivité croissante.
Mais l’augmentation du taux d’exploitation est moins importante car d’un part les résistances ouvrières la freine et d’autre part plus le capitalisme est développé
et mécanisé plus la plus-value croît sous sa forme relative (une plus grande quantité de marchandises produite relativement au coût de la main-d’œuvre).
En effet, si la consommation ne suit pas (du fait de la baisse du pouvoir d’achat qu’entraîne la précarité et le chômage) malgré des gains de productivité élevés,
la plus-value ne trouve pas à se réaliser.
Diminuer la masse de travail revient à diminuer la quantité de plus-value produite.
« Le taux de profit ne baisse pas parce que le travail devient moins productif, mais parce qu’il le devient plus » (K. Marx- le Capital III, ES
p.252).
Plus le capitalisme développe la productivité et s’accumule sous forme de machines (capital fixe) et plus il accélère la tendance à la concentration des capitaux (à
l’élimination des plus faibles) et plus le niveau des investissements est élevé. La crise accélère la volonté de contrôler les prix et la domination commerciale.
Elle accélère la tendance de chaque capital au monopole. La concentration croissante des moyens de production détruit la petite propriété familiale qui est remplacée
par des sociétés anonymes qui drainent l’épargne de millions d’individus. Du coup, la propriété juridique s’étend au capital financier qui met sur le marché des titres échangeables contre de
l’argent mais ces titres de crédits sont porteurs d’intérêts et gonflent la masse de liquidités (d’argent sous forme de monnaie). Pour le bourgeois, les actions (ou titres de papiers) sont un
forme de capital idéal : de l’argent qui rapporte de l’argent.
Le rôle du crédit dans le capital financier
Administré par un énorme appareil de Bourses et de banques qui le valorisent, le capital financier s’apparente à du capital productif
car il prétend à une part de plus-value. Il joue un rôle d’amplification de la surproduction de capital et d’éclatement des crises modernes dans les krachs financiers et les déroutes
monétaires.
Le capital financier est pure spéculation car le crédit représente l’argent que l’on avance avant que le produit ne soit acheté ou permet d’acheter sans avoir vendu.
Il raccourcit le temps de circulation (dans le cycle de la production) car il permet aux capitalistes de ne pas attendre d’avoir réalisé la plus-value ni d’avoir accumulé pour
investir.
Il permet de spéculer sans acheter réellement quoi que ce soit (opérations à court terme).
Pour que le capital se valorise chaque capitaliste veille à ne laisser au repos ni marchandise ni argent. Le temps de circulation a la même valeur que le temps de
production. C’est le développement du capital commercial et du capital bancaire qui affectés à la circulation permet d’augmenter la plus-value relative.
Ces capitalistes très spécialisés, prélèvent une part de la plus-value sociale produite dans la transformation des marchandises par les travailleurs. A vouloir
abolir le temps de circulation de l’argent, le crédit aboutit à « abolir la monnaie dans sa forme immédiate » (K. Marx – Gründrisse II).
Ce n’est plus qu’un jeu d’écriture et l’on se passe habilement de l’or ou du papier monnaie dans les transactions. Un simple clic sur un ordinateur suffit. Le
paiement comptant (par le biais de l’argent) se réduit au profit du crédit qui permet d’accélérer la consommation (toujours cette obsession du capital de
réduire le temps de circulation pour accroître sa valorisation).
Posséder un titre de papier devient obligatoire (voir les fonds de pension, les comptes rémunérés…). Comme la concentration, la mécanisation élève le volume de
capital à engager pour créer et développer une activité. Les banques se chargent de drainer le moindre capital financier vers des secteurs jugés rentables. Plus
aucun détenteur d’argent privé ne peut à lui seul posséder les moyens de production. Il ne peut que participer de manière « anonyme » à cette forme de collectivisation des moyens de production
que représentent les monopoles.
Mais le capital financier qui s’accumule n’est pas du vrai capital même s’il rapporte de l’intérêt. Car cette valeur est purement subjective et spéculative
puisqu’elle est fixée par capitalisation à un taux arbitraire des revenus futurs espérés.
D’ailleurs, dans la plupart des opérations à terme, l’argent correspondant aux titres sur lesquelles elles portent, ne circule même pas. Avec le crédit, argent et
capital, monnaies et titres ne semblent faire qu’une seule et même chose, du capital financier, des liquidités, masses énormes d’argent qui se démultiplient et
forment d’énormes bulles de capital fictif.
Bien que fictives, elles absorbent une part de la plus-value sociale (qui provient du secteur productif) et diminuent le taux de profit moyen.
En effet, une grande partie du capital des entreprises est détenue par les spéculateurs qui, avec l’aggravation de la crise, risquent des coups financiers de plus en
plus tordus où ils s’endettent avec l’argent des autres, de tous ces porteurs « anonymes » qui se trouvent ruinés au moindre krach.
Tant que les affaires allaient bien, les agents du capital louaient l’argent comme un moyen qui permet l’investissement, l’innovation, la croissance, l’embauche
etc…
Mais dès qu’il y a trop d’argent sur le marché, de crédits et que la catastrophe arrive, alors les marchandises sont bradées, les moyens de production
détruits.
La satisfaction des vrais besoins (éducatifs, de santé) disparaît devant le besoin d’argent, d’or, de valeurs sûres. L’argent proclamé
simple moyen devient ouvertement une fin. Les dirigeants et experts du monde capitaliste volent au secours du capital financier en déroute avec pour mission d’injecter de nouvelles «
liquidités » dans le système puisque c’est le capital financier qui semble déterminer tout le reste.
Mais ce qui est frappant c’est de constater qu’en prenant plus massivement que jamais les conditions de la valorisation du capital, les
Etats deviennent premiers créateurs de capital financier en accroissant la dette publique et en émettant à tout va de la monnaie de crédit.
Un Etat surendetté est déclaré trop dépensier, trop gros, trop généreux envers ses habitants. Et voilà que l’on réduit, non pas les milliards d’aides versées aux
entreprises, pour leur « croissance » mais les dépenses sociales, « l’assistanat » des inactifs, les retraites, l’enseignement, la santé etc…
Loin de s’affaiblir devant les difficultés croissantes du capital à se valoriser, l’Etat bourgeois ne cesse de grossir en bureaucratie administrative et
politicienne, d’accroître son rôle et ses dépenses financières, idéologiques, policières et militaires en faveur du capital.
Donc pour réduire les contraintes dites « économiques », l’Etat accroît les antagonismes de classes. Par exemple en facilitant l’émission de crédit, il favorise
l’inflation qui se traduit par une dévaluation monétaire, s’ajoutant à la surproduction de capital financier.
Ce dernier sera à son tour dévalorisé par l’inflation puisqu’il est fondé sur le crédit (l’inflation dévalorise mécaniquement le capital prêté).
Bref, les Etats créent une liquidité surabondante tant par leurs énormes déficits que par l’émission massive de monnaie de crédit (les obligations d’Etat perdant
leur attrait au fur et à mesure que la croissance de l’endettement fait douter de la pérennité de leur valeur).
En résumé, la crise financière n’est que la manifestation de la surproduction de capital en général. La tendance du capitalisme de développer les forces productives
de manière illimitée entre en contradiction avec la consommation forcément limitée des masses populaires.
Le capital se reproduit de plus en plus difficilement
En effet, la plus-value (extorquée à l’ouvrier) ne parvient pas à se transformer en capital additionnel (en moyen de production) du fait de la mévente des
marchandises, de la grande braderie qui s’ensuit avec leur dévalorisation massive.
L’argent s’accumule donc dans la sphère financière elle-même dopée par le développement du crédit.
Trop d’argent qui se veut capital mais qui ne peut entrer dans le procès de production (qui en ferait un capital en fonction, en
cours de valorisation) n’est que du capital de « papier ».
L’argent qui se thésaurise ainsi, gonfle les bulles financières. Les Etats en font une énorme bulle unique. Lors de son inévitable éclatement, la contraction sera
proportionnelle à l’enflure.
Les Etats « socialisent » les conditions de la valorisation du capital mais cette socialisation est hiérarchisée entre les pays impérialistes du Centre et les pays
dominés de la Périphérie.
Les peuples dominés alimentent les pays du Centre d’un flux permanent de capitaux, fondé notamment sur le service de la dette publique sans cesse alourdie de
nouveaux emprunts pour payer les précédents.
De sorte que la crise est atténuée dans les pays impérialistes. Ceux-ci font supporter la destruction du capital excédentaire par les peuples et augmentent la
production de plus-value en aggravant les conditions de l’exploitation du travail.
Il n’y a pas d’autre solution pour le capital que d’avoir recours à ces méthodes plus directes et violentes et plus appauvrissantes. La masse de travail vivant (le
nombre de travailleurs diminuant) est devenue une faible part des valeurs produites (les marchandises). L’écart est énorme entre une productivité élevée (qui entraîne une surproduction de
capital) et la part des salaires de plus en plus faible relativement à l’ensemble des forces productives.
De ce fait, la croissance de la production n’est pas productrice d’emploi.
Le capital ne rencontre pas seulement une limite « économique » (trop de machines relativement à trop peu d’ouvriers générant une baisse fatale du taux de profit et
même de sa masse). Il rencontre aussi une limite politique et sociale. C’est parce que le capital peine à se reproduire et que sa reproduction est la base de la société capitaliste que cette
dernière entre en décrépitude.
Les rapports sociaux propres au système capitaliste sont en crise (avec un accroissement de la lutte de classe).
D’où la tendance au totalitarisme, aux guerres impérialistes et aux guerres civiles.
Tendance des Etats au totalitarisme
L’Etat est totalitaire au sens où il décide de tout. Il ne laisse aucun espace au libre développement des individus, pas même les loisirs de plus en plus débiles qui
participent au décervèlement absolu. Les peuples sont écrasés sévèrement, idéologiquement tout autant que physiquement sous la botte d’une police omniprésente, d’une justice aux ordres du
pouvoir qui ne remplit pas les prisons des financiers véreux, des politiciens corrompus mais des gens du peuple.
Du côté du prolétariat, sa puissance est à construire dans tous les domaines. La bourgeoisie l’y obligera. Son offensive féroce est le plus sûr terreau des luttes
révolutionnaires.
La bourgeoisie n’a plus guère de miettes à distribuer aux syndicats pour obtenir de nouveaux compromis sociaux.
Les couches moyennes, petites bourgeoises, basculent massivement dans le prolétariat de sorte que les bases matérielles réformistes disparaissent petit à
petit.
Il ne lui reste plus que les bases idéologiques fondées sur le culte de l’Etat, de la Nation, de la sauvegarde du capital…
Le prolétariat, pour se constituer en une force agissante et combattante, doit apprendre à se délimiter. C’est la limite qui sépare ceux qui proposent de sauver le
capitalisme de ceux qui affirment que les conditions matérielles et objectives pour l’éliminer sont réunies.
Le capital est souffrant, malade. Il se survit c’est-à-dire que son accumulation stagne à travers de perpétuels mouvements de hausses et de baisses, de bulles et de
krachs. « La véritable barrière de la production capitaliste, c’est le capital lui-même » (K. Marx – Le Capital III).
Mais le capital malade n’est pas une chose qui peut être abolie par décret, il ne s’écroulera pas sous les coups redoublés de la crise, mais il ouvre une ère de
révolutions prolétariennes planétaires car il doit mener une lutte de classe permanente contre le prolétariat dont il veut aggraver les conditions de vie.
C’est par nécessité qu’il accroît la paupérisation des peuples, qu’il multiplie les guerres,
qu’il impose sa dictature bourgeoise. Il ne peut plus maintenir la cohésion sociale par l’intervention des réformistes. La nécessité dans laquelle il se
trouve d’avoir recours aux pires méthodes de destructions (l’alternance du fascisme et de la démocratie bourgeoise étant des modes de valorisation appropriés à chaque époque) renforce la
nécessité de révolution sociale qui devient plus forte que jamais.
Ce sont les rapports d’appropriation privée qui bloquent le développement harmonieux des individus qu’il faudra éliminer pour sortir de la crise permanente du
capital et donner libre cours au développement humain.
Ce que développe le capital, le prolétariat et la puissance productive, sont pour lui une calamité.
Ce sont dans le même temps les forces et les conditions d’une communauté future, libérée de l’exploitation de l’homme par l’homme. Ces forces positives croissent en
même temps que les difficultés du capital à poursuivre son accumulation. La productivité créée de la valeur d’usage au détriment de la valeur d’échange (les quantités de travail étant de
plus en plus faible). La productivité libère du temps de travail qui après une révolution deviendra du temps consacrée à s’accaparer la vraie richesse : la maîtrise de toutes les conditions de la
production de la vie.
La mondialisation capitaliste permet que se constitue un prolétariat mondial, individus de plus en plus dépouillés de toute propriété des conditions de leur
existence par le capital et donc obligés de s’unir dans la lutte révolutionnaire au fur et à mesure que le capital met une masse plus grande de la population « hors circuit ».
La prise du Pouvoir par les forces révolutionnaires n’est qu’un moyen de parvenir à un
renversement complet du mode de production.
Elle permettra d’accroître considérablement le temps disponible en éliminant les productions et activités parasitaires (dans lesquelles figure l’entretien de la
bourgeoisie, tout ce luxe inutile, ce gaspillage monstrueux de travail) mais également le secteur financier, banques et assurances, et par le partage du travail contraint entre tous :
Travailler tous pour travailler moins et donc s’enrichir de connaissances nouvelles pour travailler autrement, et en finir avec
les classes sociales antagoniques.
L’Association des Amis du Manifeste - février 2012
Notes
-
Surproduction : Il y a surproduction de capital lorsque la plus-value ne peut se transformer en capital
additionnel, lorsqu’elle ne peut trouver aucune branche d’activité car celles-ci sont toutes saturées.
Elle ne peut exercer son rôle de capital donc se métamorphoser à son tour en moyens de productions d’une nouvelle plus-value.
- Pl : plus-value ; Cv : capital variable, cette part du capital qui prend la forme du salaire, moyen de reproduction de la force de travail dont le prix dépend du marché ; Cc : capital constant, constitué des machines, moyens de production et bâtiments…
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